Ahh, l'épicerie Jeanne… un ruissellement de toutes sortes de fruits, de légumes, de viandes et de pâtés locaux, un espace gourmand ! Mais l'épicerie et le Café Jeanne sont en partenariat... à plus d’un égard. Nous nous sommes rencontrés, raconte Patrice Beaufils, à la fin des années 70, je faisais les marchés dans les villes et les villages de la Drôme, déjà à l'époque je vendais des produits et des céréales bio. Jacqueline était la fille d'un de mes fournisseurs, je venais acheter des flocons d'avoine… Quand et comment êtes-vous arrivés ici ? On a ouvert en août 95, avant nous il y avait Madame Albanese, qui avait pris en 91. La mairie a récupéré la gérance à la fin du mandat de Monsieur Commerot, et c'est Monsieur Cuchet et son conseil qui nous ont choisis, nous étions en concurrence avec d'autres preneurs... Avant on était dans les Hautes-Alpes, à Ceillac. On avait pris un bar- restaurant en gérance. un travail de saison, l'hiver avec le ski de fond, et très touristique aussi l'été. Puis on s'est déplacés sur Grenoble, on voulait d'abord faire une expérience urbaine Place Sainte Claire. Nous proposions une cuisine moderne, pas traditionnelle, des tapas, viande à la plancha, légumes mi- cuits. Ça marchait bien, mais nous nous en rendions compte, nous ne sommes des urbains ni l'un ni l'aure. Nous manquions d'arbres et de gazon. C'est pour cela que nous avons pris la décision de venir à Saint Martin de la Cluze. L'objectif de la mairie consistait à rouvrir le café et l'épicerie. Au départ une volonté communale d'avoir un point de vie avec un commerce et des services, en gérance libre, payée à la commune, et ensuite nous vivons de nos bénéfices éventuels. Cela étant dit, nous n’avons pas un chiffre suffisant pour réaliser des investissements, nous sommes à l'équilibre parce que nous n'investissons pas nous-mêmes. Cela se fait par la mairie quand il est nécessaire de renouveler le matériel par exemple. Mais revenons à nos débuts. On pensait faire de la restauration. Attention, pas ouvrir un restaurant, c'est différent. Un vrai restaurant implique une carte, donc toute une logistique d'approvisionnement, des horaires d'ouverture, un stock, des plats préparés, une mise en place, d'où l'obligation d'une garantie minimum de fréquentation, ce qui n'est guère possible ici. Nous proposons donc à ceux qui le désirent de réserver et nous leur préparons alors un menu unique. Au début le café a très bien marché, et un peu la restauration, tous les midis il y avait du monde (le personnel du couvoir de Rossi entre autres). L'épicerie a démarré tout doucement, nous ne connaissions pas ce métier, mais il était nécessaire de répondre aux clauses du contrat de gérance, c’était donc un service, d’où des petits prix, des marges réduites, ce qui a amorcé la pompe, au point que les années passant, on a été amenés à choisir entre l'épicerie et le café. Au café c'était ouvert le soir, repas, tournées de boissons, on est vite rendus à minuit. Comme l'épicerie marchait, il fallait être à 4 heures du matin au travail pour l'approvisionnement tout en en restant ouverts pour le café jusqu'à 1h du matin. Les nuits étaient courtes. Donc il a fallu dire, "on ferme à 8 heures." Ceci explique pourquoi à l'heure actuelle, 95% de notre activité reposent sur l'épicerie. Il y a eu également une baisse de fréquentation diurne. Les anciens venaient jouer à la belote en sirotant leur petit rouge jusqu'à 5 heures de l'après- midi. Solitaires et âgés, ils se déplacent maintenant avec difficulté, ils ont cessé de venir. Il y a eu également une évolution due à l'âge des jeunes gens. Avant ils venaient en groupes, ils étaient là tout le temps. Maintenant ils ont grandi, fondé des familles et restent chez eux, sans qu'une relève se soit mise en place. Les services que nous assurons, ce sont essentiellement le café, nous cuisinons des plats à emporter, de la pâtisserie, des buffets garnis. Nous ouvrons de 8h à 13h et de 17h à 20h, sauf les lundi, mercredi et le dimanche après-midi. Pour les nouveaux arrivants au village, c'est important de proposer ce service de proximité. Je m'adresse à Jacqueline, dont l'épicerie est le domaine, en lui disant que sa boutique est un vrai lieu de gourmandise. Elle répond avec un sourire lumineux. Pour moi, c'est normal, il faut que les gens aient envie, c'est comme ça que je vois les choses. Moi j'aime bien bien manger, alors il y en a partout, il faut que ce soit joli, que ça sente bon, il faut que ce soit esthétique, qu'il y ait de la couleur. La couleur des aliments, c'est important. Il se trouve qu'à la base, j'ai une petite formation en arts plastiques, ça a sans doute un rapport… On essaie aussi de valoriser les gens du terroir, les producteurs proches, le fromage de chèvre de la ferme Scudeler, le pain de Maubleu, la viande aussi de Maubleu, le frère, la farine Moulin Chardeyre à Mens, le sirop et la confiture de Valérie Poulat, la fromagerie du Trièves à Clelles, les volailles de chez Oddos à Saint Baudille et Pipet, les foies gras, etc. Et puis nous vendons des cigarettes, à nos clients, le Dauphiné Dimanche, les permis de pêche, des choses comme ça. Depuis que vous êtes là, vous avez perçu une évolution dans la vie du village ? Patrice : Aaah, oui, les comportements changent. On ne va plus au “bistrot” comme avant, les centres d’intérêt se déplacent. Les nouveaux habitants ont des habitudes différentes et ne vivent pas forcément avec le village. Certains en viennent à penser que la notion de service comme l’agence postale, l’épicerie, le musée, voire la Dondelle, sont plus des sources de dépenses que des établissement utiles. Nous espérons donc que les gens du village comprennent l’importance du maintien de ces services de proximité pour l’avenir. Propos recueillis par Bernard Moro et Paul Riondet, 20 mars 2015
L’épicerie- café Jeanne
Marie Dutilloy, cliente et amie fidèle, et qui aime les bonnes choses...