Paul et Maryse Riondet
Qu'est-ce qui vous a marqués tous les deux
dans la vie du village à l'époque ?
Il y avait la fête, quand on tuait le cochon. C’était
le Yves Allard, le père de Michèle, qui tuait la
bête pour toute la famille. Chaque famille ou
presque avait un cochon, et on partageait, on
mettait la viande dans des saloirs,
c'est une sorte de jarre en terre
cuite haute comme ça (entre 40 et
60cm). C'était l'unique façon de
conserver la viande à l'époque.
Pas de frigidaire, encore moins de
congélateur bien sûr.
Et puis il a fallu partir…
Oui, moi pour Grenoble, avec mon copain
Avogadro, au lycée Mounier à Grenoble. Maryse
était à Monestier. Le collège ou le lycée, c'était le
premier exil.
Mais on se retrouvait tous les dimanches à la
messe. On y allait tous, c'était une tradition
familiale, mais aussi la vie du village. On se
retrouvait tous au bistrot après.
Gamin, j'étais enfant de chœur. Les kermesses,
les animations, les sorties des jeunes, c’était le
curé, le Père Ribaud, et ensuite le Père Colloud,
qui les organisaient. Mais on se débrouillait
également entre nous. J'avais des copains qui
prenaient la voiture et allaient au bal. Moi j’étais
le seul garçon entouré de filles –mes sœurs et
leurs copines– et on était plus orientés nature,
on allait camper au bord du lac avec des patates
et de quoi faire du feu, et je jouais de la guitare…
Ils ont commencé à travailler tôt. Bien obligés. Si
l'on n'était pas fils d’agriculteur, il fallait partir.
Maryse est entrée comme aide-soignante à
l’hôpital de La Tronche, à 17 ans. Paul à Merlin-
Gerin (maintenant Schneider et Siemens), vers la
gare. Ce qui ne l'empêchait pas d'aider ses
oncles aux travaux des champs pendant les
congés au village, toujours resté leur point
d'ancrage… Plus tard ils se sont beaucoup
investis dans le sport, athlétisme, compétition,
courses en montagne, tous les deux, mais de
façon "raisonnable". Paul a été président du
Comité des Fêtes de Saint Martin. Ils ont eu trois
filles 37, 34 et 27 ans, la dernière, enseignante à
Paris dans le 9-3, et revient aux moindres
vacances… !
Ce qui a changé ?
C'est difficile à dire. Je crois que les gens qui
au village
viennent habiter ici n’aiment pas vraiment la
campagne en fait. Ils s'y installent parce que
c'est moins cher, mais ils voudraient les
mêmes avantages qu'en ville, et finalement
profitent peu de tout ce qui est ici, les bois, l'air
pur, les balades, les champignons. En fait ils
vivent comme en ville. Télé et jeux vidéo. Les
mamans amènent leurs petits en voiture à
l’école, il y en a tellement des voitures là-
devant que les cars ne peuvent même plus
passer parfois. Quand on était gamins certains
faisaient des kilomètres à pied par tous les
temps pour aller à l'école. .
Ce qui a changé aussi c’est l’incivilité des
gens. Les ados qui cassent tout, les voitures
qui passent très vite. Les autres ne comptent
pas pour eux.
16 octobre 2013