les gens d’ici...
Paul et Maryse Riondet
Paul Riondet, 57 ans, est né d’une famille très ancienne dont la présence ici remonte au 17 ème siècle. Il est le fils de Marcel Riondet, qui avait écrit dans les années 50 le texte consacré à la journée de battage, et peint ce paysage de la Meije visible chez Jean-Claude et Simone Sarrat. De son père, Paul a retenu ce sens de l’esthétique de la nature qui fait de lui un photographe plein de sensibilité. Maryse son épouse est une Fanjat, la sœur d’Alain, aussi une très ancienne famille du plateau. Tous deux se connaissent donc depuis leur enfance à la Salle, depuis qu’ensemble ils allaient à l’école, d’abord sous la férule de Madame Gorde, puis sous celle, bien plus stricte, de Monsieur Gorde… Tout gamins ils s’entendaient bien, et à 13 ans étaient déjà toujours ensemble. Et aujourd'hui les voici… Paul évoque ses souvenirs d’enfance avec son père, avec qui il allait pêcher sur les rives du Drac, qui à l’époque n’était pas domestiqué comme maintenant. Le barrage de Commiers n’existait pas encore, et c’était un vrai torrent, dangereux, d’où son nom, Drac, qui veut dire en effet dragon, parce qu’il en a pris des vies ce méchant cours d’eau. Les crues étaient phénoménales, on raconte que le Pont de Claix avait été endommagé. Plus près de nous, Paul se souvient qu’on traversait entre le ruisseau d’Ars et la plage de Sarteur à l’aide d’une espèce de bac rudimentaire, une nacelle suspendue à un câble, sur lequel on se halait vers l’autre rive… Mais qu’importaient les dangers, Paul et son père y allaient pêcher aussi souvent que possible, truites, barbeaux, chevesnes, suif également, et le gamin apprenait ainsi les délices de la vie au grand air. Nous les enfants on était toujours mis à contribution pour aider aux travaux des champs et des fermes, comme le battage, auquel tout le monde participait, mais aussi les vendanges. C’était énorme, les vendanges. Tout le versant du Drac, c’était planté en vignes, et on produisait suffisamment pour vendre son vin. Le rouge était un peu âpre, mais le blanc descendait bien… Pendant ce temps, Maryse était confiée durant les vacances à sa grand-mère de Brignoud… L’hiver, on skiait, parfois avec l’instituteur mais pas seulement. Tous les enfants ensemble, on commençait par damer la pente sur la Cluze, en
montant et descendant plusieurs fois dans la neige jusqu’aux genoux jusqu’à obtenir une belle pente bien tassée, bien lisse, du coup la neige pouvait tenir bien plus longtemps. L’autre pente, celle du pré Faucherand, c’était pour les lugeurs. Tous les soirs après l’école avant la nuit, on y était. Pas besoin de gros équipements, avec toute cette activité on n’avait pas froid… Maryse : Je me souviens aussi du chasse-neige, qui était tiré par des chevaux, c’était mon père Amédée Fanjat qui menait l’attelage. Ce n’était pas évident, quand la neige était trop tassée, ça soulevait l’étrave en bois, et il fallait y aller à la pioche, tout le monde s'y mettait. Il y avait une vraie solidarité des villageois entre eux. Tous deux se souviennent du spectacle qu’offrait la place devant l’école pendant les récréations. Le nez collé aux barrières, les gamins regardaient et écoutaient les dames venues laver leur linge au bassin. On voyait aussi les chevaux, se rappelle Maryse, de gros percherons, et les vaches, qui traversaient la place pour boire à la fontaine. Paul renchérit : Je me rappelle bien l’alambic, on venait l'installer sur la place. C'était une belle machine en cuivre montée sur une charrette, chauffée avec du bois amené par les clients eux-mêmes, en même temps que le marc de raisin, les poires ou les pommes dont on voulait tirer diverses gnôles. Je vous explique pas les vapeurs qui nous parvenaient aux narines…! L'alambic passait tour à tour dans les villages de la région, alors que maintenant les gens se déplacent pour aller chez le bouilleur de cru avec leur matière première. Quand j'avais… je crois, cinq ans, j'ai vu ma première pelle mécanique travailler, j'étais fasciné par la puissance et le bruit de cet engin qui éventrait la place du village, c’était quand ils mettaient l’eau courante, il y avait de la terre, des monceaux de cailloux, des tranchées partout, c'était comme une scène de guerre.