Son ami Séraphin
Pitis nous parle de
lui…
Nos trois bénévoles, Michèle Eymard, Claudine
Bertrand et moi-même accueillions, tenez-vous
bien, deux visiteurs ! Mais quels visiteurs !
Séraphin Pitis et sa fille.
Le héros de l'histoire c'est lui, 94 ans, grand ami
d'Emile Gilioli et intarissable sur la célébrité de
Saint Martin! Les dames qui m'entouraient
avaient l'habitude de l'entendre, mais par
chance, pas moi !
Et voilà que j'interviewe (aïe : interroge)
Séraphin (il m'a autorisée à l'appeler ainsi), tout
heureux.
Et de nous raconter, dans une élocution
impeccable malgré son âge, qu'il était artisan
maçon (le beau mot d'artisan prend ici tout son
sens) et avait du goût pour la peinture et la
"matière" comme il dit. Il s'est établi à Saint
Martin en 1939. Emile Gilioli arrive peu après,
c'est Babet, sa femme, originaire du village, qui
le lui fait découvrir.
Pendant ces années de restrictions, chercher à
se nourrir est une préoccupation quotidienne.
Puis la guerre se termine, Emile Gilioli trouve
une maison au village. Séraphin fait les travaux
et suit également de près la fabrication des
œuvres du maître : il se souvient avec
émerveillement de la façon dont le sculpteur
étudiait les reliefs, les renvois de lumière, les
ombres. Il comprend, en le regardant travailler,
sa méthode et son point de vue.
A cette époque, Emile Gilioli commence à sortir
de l'anonymat, mais le succès se fait attendre, il
mange de la vache enragée, et sa carrière a
des hauts et des bas. Mais toujours lorsqu'il
revient à St Martin il retrouve son ami Séraphin
qui lui forge ses outils et le fournit en divers
matériaux, ferraille ou cailloux.
Qui sait que le petit balcon de l'atelier est
construit grâce à ces bouts de ferraille collectés
par Séraphin, puis savamment travaillés par
Emile pour en faire comme de la dentelle ?
Qui sait que les petits personnages sur la
façade de l'atelier (dont on dit qu'ils ne sont pas
de Gilioli) ont été exécutés en fait par ses
élèves ? Ils sont donc bien de la patte du
maître ! La Chapelle Sixtine non plus n'a pas
été exécutée entièrement par Michel Ange, qui
d'ailleurs se faisait aider d'un maçon !
Qui sait que les deux petits piliers devant
l'entrée et près de la vigne ont été fabriqués
par Séraphin sur un modèle de Gilioli ?
Et enfin, assez amusant : Qui sait qu'Elizabeth
II, oui oui, celle qui règne encore sur le
Royaume Uni, possède une œuvre de Gilioli
donnée lors d'une exposition à Paris ??
Et pour le divertissement, Emile Gilioli s'était
construit un jeu de boules au fond de son jardin
et disait à la fin d'une longue partie, après avoir
joué avec ses amis, dont Séraphin, "je suis
plus fatigué que quand je travaille".
Françoise Michel, 19 septembre 2015